Arrivée de Maya

Toujours tout droit, toujours tout droit dans le désert, qu'il avait dit...
Ces explications avaient beau être claires comme de l'eau de roche, Maya tournait en rond. Et à propos, de l'eau, elle commençait sérieusement à en manquer, malgré la gourde qu'elle avait récupérée sur la dépouille de Yasashii. Un fond, il n'en restait qu'un fond. Et ce soleil qui tapait... Sa nuque et ses épaules, à découvert, devenaient de plus en plus rouges au fur et à mesure que la journée avançait. Par contre, elle-même avait l'impression de ne pas avancer. Ces dunes... toutes semblables... était-ce celle-ci qu'elle avait dépassée il y a de cela une heure ou deux? ou peut-être était-ce son imagination...
Dans ce labyrinthe de sable, on se perd aussi soi-même.

Le soleil commençait à décliner, au loin. Maya essayait de ne pas tenir compte de ses membres endoloris ni de la soif qui la tenaillait en scrutant l'horizon à la recherche d'une quelconque cité des sables. La lumière devint rase. Et elle l'aperçut. Gigantesque, majestueuse, elle s'élevait au milieu du désert, comme une montagne. Vénérable et immortelle. Mais une montagne d'ocre, avec des couleurs chaleureuses, qui reflétaient bien la lourdeur de l'atmosphère. Le maigre vent faisait décoller les grains de sable par milliers, lui fouettant le visage. Mais elle n’en avait cure : Suna s’élevait devant elle. La soif, la fatigue et la faim de la jeune fille s’étaient envolés. Maya marcha avec une énergie nouvelle en direction des portes. Deux gardes patientaient, somnolents, devant. L’un d’entre eux sursauta à l’arrivée de la jeune fille et se remit dans une position plus « officielle ».

Il était armé, et probablement plus très frais. Un rustre. Le genre d'hommes que Maya préférait éviter à tout prix, enfin, qu'elle avait décidé d'éviter à tout prix. Mais elle n'avait pas le choix : si elle souhaitait suivre la voie que lui avait indiquée Yasashii, elle devait s'inscrire à Suna et donc, forcément passer ses portes surveillées par ces gens-là. Elle ravala sa misanthropie et s'approcha d'un pas décidé du garde éveillé :

"Je souhaiterais m'inscrire à Suna."

C'était simple, c'était clair, c'était concis. N'importe quel ivrogne aurait pu comprendre, même si ce n'était pas particulièrement aimable. De toutes manières, Maya n'était pas née pour être aimable. Pendant qu'elle abordait ce garde, elle menait un véritable combat intérieur pour ne pas s'enfuir en courant afin éviter de se mêler à ces humains, tant qu'elle en avait encore le temps. Dans une ville, il y a tellement d'humains... Un repère à humains. Peut-être que sa définition était ceci, à propos...

Le garde somnolait tranquillement aux portes de Suna, ayant comme seule compagnie le soleil et les grains de sable qui venaient de temps à autre lui picotaient les yeux et les joues. Heureusement, l’habitude l’avait fortifié et il ne s’en plaignait pas. La vie lui semblait plus monotone, comparé au temps d’autrefois, avant cette guerre… Le village grouillait de ninjas, et on voyait à chaque détour de ruelle des parents avec leur enfant main dans la main, se promettant de grande carrière au service de la patrie… Quelle ironie en pensant que c’est au nom de la patrie qu’ils ont, pour la plupart, disparu. Le village recrutait beaucoup de nouveaux venus d’ailleurs, ce qui n’était pas coutume. Cela l’embêtait assez, d’ailleurs. Des voyageurs qui venaient, tout simplement, reprenant comme si de rien n’était une place parmi les leurs, eux qui avaient tant perdu et souffert ! Le shinobi de Suna était bien des anciens combattants : réservés, le regard mauvais, mais l’esprit toujours fidèle au village du sable. Et le pire, c’était qu’il en était fier ; peut-être était-ce à présent la seule chose qui lui restait : les souvenirs qui hantent et la jeunesse qui manque. Seul, affalé contre le mur, il attendait qu’un nouvel arrivant vienne se présenter. Son opinion resterait toujours la même, néanmoins, il ne pouvait nier l’évidence : Suna avait besoin de nouveaux ninjas. D’un soupir las, il allait fermer ses yeux afin de pouvoir, comme tous les jours, méditer sur cette nouvelle ère du village lorsque soudain, une ombre s’approchait de lui. Quelques secondes plus tard, il en déduisait que c’était une jeune demoiselle. Aussitôt rassuré, il se redressa pour l’apparence et se racla la gorge : le sable pénétrant passait partout, malgré les efforts qu’on mettait pour l’en empêcher. La jeune fille, arrivée à sa hauteur, demanda directement et sans équivoques ce qui l’amenait en ces lieux. Tant mieux, cela lui évitera de poser la question ! D’un regard examinateur, il la scruta un instant. De petite taille, elle paraissait avoir arrêter le temps sur son enfance, en gardant cette enveloppe charnelle. Les yeux roses lui rappelèrent sa Kazekage, qui avait de temps à autre cette même teinte d’iris… Etrange, étaient-elles de la même famille ? Un frisson le parcoura et il secoua la tête, évitant ainsi de fabuler sur la mystérieuse jeune kunoishi qui était leur chef. Que dirait-elle si elle apprenait que ses propres gardes prenaient des nouvelles arrivantes pour un membre de sa famille à cause de la couleur des yeux ? Le reste du corps frêle et innocent de la jeune personne devant lui était harmonieux, lui donnant l’impression de se retrouver devant une fillette abandonnée. Néanmoins, son regard s’arrêta sur un sabre attaché au niveau de ses douces hanches. Il leva un sourcil et conclut qu’il n’avait sûrement pas avoir à faire avec un ange tombé du ciel… Peut-être déchu ? Quoiqu’il en soit, il répondit à cette inconnue, d’un ton presque chaleureux, bien qu’il en soit incapable, car au pays du vent, il faut savoir garder la tête froide…

« Bienvenue à toi, jeune étrangère. Je vois que tu sais déjà où tu te trouves. Sais-tu à quoi cela t’expose cependant ? Si tu souhaites réellement de pénétrer dans ce village, il va falloir que tu remplisses ce formulaire… Il est rare de voir une jeune fille aussi mignonne se promener dans le désert, sans aucune escorte… Que veux-tu faire à Suna?»

Citation :: Nom:
Prénom:
Nindô:
Pourquoi ce village:
Une prédominance pour l'un des trois arts ninja principaux ?
-Ninjutsu.
-Taïjutsu.
-Genjutsu.

Il lui passa donc un papier sur lequel étaient demandées diverses informations. Ne sachant trop pourquoi, une certaine avidité de savoir le rendait impatient. Peut-être était-ce cette copie floue de sa kage qui le rendait ainsi… Une certaine exaspération se lisait aussi sur son visage, celle d'avoir posé une question à laquelle il connaissait la réponse... Bien sûr, cette petite était venue pour être une ninja, comme tous les autres... Trop facile à deviner. Du moins, ainsi l'avait-il prévu...

Maya n'écoutait que d'une oreille les propos du garde. Elle aurait pu retranscrire directement ses paroles, elles étaient évidentes. Non, la jeune fille ne se donna pas la peine de l'écouter. Elle préférait le détailler discrètement. Cet homme était plus grand qu'elle, comme tous. Il la dépassait d'une bonne trentaine de centimètres ; il était garde. Il devait protéger l'entrée de la Cité, c'était normal qu'il soit plus imposant qu'elle. Ses bras musclés attestaient d'un passé d'entraînement, de batailles. Sa peau recouverte d'un hale de bronzage lui donnait une couleur proche de celle du sable autour. Il avait dû s'y habituer, au sable, car son visage était criblé d'écorchures provoquées par ces poussières, mais il n'y faisait plus attention. Maya eut l'instinct qu'il était né ici, et que la venue d'une étrangère devait accentuer la xénophobie naturelle des gens qui vivaient au milieu de nulle part, le désert étant un bon exemple.
La jeune fille réprima un frisson de dégoût quand elle sentit les yeux du garde se poser sur les siens, puis lorsque son regard descendit jusque ses hanches. Quelle humiliation ! Se faire ainsi ficher pour son physique ! Mais il était impératif qu'elle reste stoïque. Une future ninja ne doit pas ployer pour l'unique raison que l'ennemi la dévisage. Non, ce n'était pas digne d'elle, elle devait garder son calme. Et devenir un peu plus sociable, aussi, tant qu'elle y pensait.
Maya planta ses yeux dans ceux du garde, et, pour passer le temps qui lui semblait infini, en ce moment d'immense faiblesse, elle continua sa description. Ils étaient noirs, noirs comme l'ébène. Elle utilisait cette expression, non pas par connaissance de l'ébène, mais parce que Yasashii la citait souvent. Yasashii... A son souvenir, encore douloureux, la jeune fille ne put s'empêcher de trembler. Un simple tremblement nerveux, mais elle s'en voulut d'avoir ainsi montré son désarroi. Ca ne se reproduira plus, se jura-t-elle.
Elle ne répondit pas à l'humiliation que fut le "jeune fille aussi mignonne" et préféra récupérer le formulaire que le garde lui tendait. Une ou deux minutes plus tard, elle le lui rendit.

Citation :: Nom : Niyami
Prénom : Maya
Nindô : Remplacer mon frère parmi les ninjas
Pourquoi ce village : Parce que c'était celui de Yasashii
Une prédominance ? : pour le genjutsu

Voyant que le garde s'était quasiment étranglé à la vision de son nom et de Yasashii, elle préféra ajouter, ravalant sa tristesse :

"Yasashii Niyami est mort il y a deux jours, dans la forêt. Il m'avait indiqué la route à suivre pour venir et me voici, pour tenter de le remplacer."

Maya se tenait droite, en face de l'homme, le défiant presque. Que répondrait-il ? Rien qui ne pourrait diminuer sa peine, c'était certain. Mais peut-être allait-il l'enfoncer... Qui sait. Il était humain, lui aussi. Capable de toutes les erreurs, de toutes les maladresses, de toutes les bassesses. Peut-être le ferait-il exprès aussi ?! A cette pensée, son rythme cardiaque s'accéléra et elle dut respirer à fond pour éviter de s'enfuir en courant. Pas maintenant. Pas maintenant alors que c'était presque terminé.

La réponse à sa question le satisfit à moitié. Tord et raison à la fois, comme toujours ! Bien évidemment, il avait deviné juste pour son désir de devenir elle aussi une kunoishi, mais pas forcément la plus renommée… Juste celle qui incarnerait un être perdu dans les encombres de la guerre sûrement. Jamais le garde n’avait vu ce fameux Yasashii, mais il en avait entendu parler… Ou bien l’avait-il lu sur une fiche ? Une expression sombre s’afficha sur son visage, comme s’il cherchait à s’effacer un instant de toute présence, exceptée la sienne. Se souvenir pouvait être si agréable, et si douloureux à la fois… Le temps de la guerre n’était pas événement aisé à effacer, cela restait toute votre vie en vous, comme si un film repassait plusieurs fois une même scène… Matin, midi et soir, jusqu’à ce que le temps réussisse à vous épargner les quelques détails traumatisants qui font de votre vie un enfer. Et encore, cet instant de délivrance pouvait ne jamais venir… Le garde regarda la petite femme qui se tenait devant lui, et d’un petit sourire, s’amusa à l’appeler intérieurement la crevette. Pourquoi ? Parce qu’elle lui rappelait la couleur rose qu’ont ces petites bêtes aquatiques et que son corps de jeune enfant semblait si fragile qu’on aurait tendance à croire qu’elle n’avait rien mangé depuis des lustres. De plus, cette apparence trahissait un manque d’entraînement et d’expérience ; bien que cette remarque ne sortirait jamais de sa bouche, étant donné que cela n’en était pas son rôle. Elle ressemblait un peu à toutes ces femmes brisées de l’intérieur qu’il avait eu l’occasion de rencontrer lors des missions de soutien aux civils. Et ce qui lui restait de cette expérience, c’était qu’elles ne se remettaient jamais de leur souffrance. Pourtant, en voyant cette petite crevette face à lui, la conviction qu’elle ne resterait pas cette fillette à l’allure solitaire le réconforta un peu… Il se sentirait coupable de laisser entrer une personne qui n’était pas capable de tenir dans un milieu aussi dur ! Il lança un dernier regard à Maya, se disant que son choix au niveau de sa spécialisation répondait tout à fait à son caractère : Une enveloppe charnelle douce et délicate pour un esprit d’acier. De quoi tromper l’adversaire et lui donnait le coup de grâce en une seule fois. Sans plus réfléchir, il marcha d’une glissade sur le côté, laissant le chemin libre à la nouvelle arrivante…

« Toutes mes condoléances pour votre frère. Vous pouvez entrer dans le village de Suna à présent, et le considérer comme votre patrie. Vous vivrez et vous mourrez pour lui, coûte que coûte. Bonne chance à vous. »

</FONT>Le temps de retrouver ses amis grains de sable était arrivé, et cela le rendait ni chaud ni froid. Quelle importance ? L’air de renouveau qui se propageait dans l’atmosphère n’était plus de son époque, et jamais il ne pourrait s’y faire. A présent, il ne pouvait que s’y accrocher… Ses yeux remplis de nostalgie regardèrent encore la petite crevette s’en aller vers l’intérieur du village, découvrant ainsi la cité de son défunt frère…

Le garde était pensif. Il prenait son temps. Il éludait les questions, profitait du temps infime pendant lequel il disposerait d'un interlocuteur. Et Maya ne pouvait pas réellement lui en vouloir pour cela... Elle se dit qu'elle aurait très probablement fait de même, si le sort lui avait dicté la position de garde, de protecteur d'une cité. Elle sourit à la vue de l'image d'elle-même, avec deux têtes de hauteur de plus, des bras d'acier, qui somnolait en l'attente d'un gamin errant qui pourrait renflouer les casernes de Suna.

L'homme s'effaça devant elle, lui permettant de passer. A ce stade-là, Maya ne put réprimer des interrogations : devait-elle réellement se mêler définitivement à toute cette populace ? Avait-elle besoin de connaître ses semblables ? Ne ferait-elle pas mieux de vivre seule, se ressourçant de ce que la forêt pouvait lui apporter ? Elle jeta un bref coup d'oeil derrière son épaule. L'immensité désertique. Ses réserves étaient au plus mal : plus la moindre goutte d'eau ni de nourriture. Si elle tenait à la vie, elle était à présent obligée d'entrer dans Suna. Et ne jamais savoir quand elle en sortirait.

Ses pieds la portèrent sur les quelques mètres qui suffisaient pour traverser l'arche imposante, de pierre ocre, qui délimitait la Cité. Une fois à l'intérieur, une ombre apaisante vint l'accueillir. La nuit commençait à tomber, et au milieu des maisons, une sorte de fraîcheur s'immisçait. La forteresse était basée sur une colline, de manière à ce que les premières maisons soient en bas, et celles du centre, les plus belles et les mieux protégées, soient au sommet. La couleur prédominante était l'orange, accompagné du jaune et du rouge sang. La chaleur ambiante semblait se répercuter sur les murs...

Comme c'était la tombée la nuit, seules des ombres le long des remparts vinrent accueillir la jeune fille. Aucune possibilité de fuite. Elle était encerclée par des ennemis invisibles. Elle se sentait...enfermée. Et commençait à paniquer. Puis elle repensa à ce "Topaze", et se mit dans la tête de retrouver le quartier général de ce clan...